ABC de la financiarisation de la santé à l’usage des professionnels

ABC de la financiarisation à l’usage des professionnels de santé

Voici sur le blog « Vie de bio » un ABC de la financiarisation vue depuis la biologie.

Il est très édifiant pour l’ensemble du système de santé et pour le devenir de nos professions dites « de santé ».

La financiarisation* de notre système de santé passe par des Leveraged buy-out (LBO) ou rachat avec effet de levier. C’est un montage financier permettant le rachat d’une structure publique mise sur le marché ou privée, par le biais d’une société holding. Elle passe aussi dans le champ des politiques publiques par les contrats à impact sociaux (CIS), et la promotion des nouvelles « sociétés à mission » dans la rhétorique générale de la « responsabilité sociale des entreprises ».

La financiarisation est un fait tangible et l’objet de multiples analyses. On ne l’arrêtera pas, mais on doit d’urgence la réglementer. Il s’agit notamment de stopper net les déréglementations massives qu’elle suscite, entre autres par le biais de la désintégration européenne de la protection sociale. Elle n’est ni la privatisation, ni la commercialisation. Elle concerne autant les établissements publics ou privés que les structures libérales. La financiarisation concerne bien les services publics dans la mesure où les politiques publiques contemporaines ont renoncé à financer la santé, l’éducation, les services sociaux, les politiques climatiques et l’aide au développement sans faire appel aux fonds d’investissement : fonds de pension et fonds de capital-investissement.

Dès lors le reporting mortifère et la multiplication exponentielle des indicateurs myopes visent autant à fournir des éléments de calcul de risques pour les investisseurs qu’à fournir aux pouvoirs publics des garde-fous contractuels, souvent illusoires, comme dans les EHPAD, à la recherche de rentabilité financière.

Ne soyons pas angéliques en gardant à l’esprit que le processus de financiarisation des services publics et des entreprises privées s’inscrit possiblement dans un triptyque décrit par Benjamin Coriat : privatisations / débouclage des noyaux durs / entrée des fonds de pension où l’indépendance des professionnels, en particulier des professions médicales, devient un obstacle majeur à l’extension des nouveaux modèles économiques et financiers.

C’est dans cette perspective qu’il faut situer l’actuelle et stupéfiante déréglementation des professions de santé portée par Mme Rist et le nouveau toutou « aux Ordres » des pouvoirs publics, le CLIO. La coordination attendue de ces nouvelles tranches de salami par filières (visuelle, auditive, bucco-dentaire, de santé mentale etc.) ne sera pas médicale, encore moins paramédicale. La coordination promise se rapprochera de ce qui est décrit dans cet article d’Olivier Favereau pour le Bureau international du travail: une coordination administrative asservie à des intérêts à court terme trop purement financiers et désespérément insignifiants pour les soignants.

L’ABC de la financiarisation de la santé en quelques liens

L’impasse de la régulation des dépenses de biologie médicale
https://viedebio.com/2022/09/18/stronglimpasse-de-la-regulation-des-depenses-de-biologie-medicale-strong/

Actions de préférence : le mirage de l’article 52 de l’Ordonnance sur l’indépendance professionnelle des professions réglementées
https://viedebio.com/2022/05/26/le-mirage-de-larticle-52-de-lordonnance-sur-lindependance-professionnelle-des-professions-reglementees/

Cliniques privées, l’autre eldorado du capital investissement
https://viedebio.com/2020/02/28/cliniques-privees-lautre-eldorado-du-capital-investissement/

Histoire de la financiarisation des laboratoires de biologie médicale
https://viedebio.com/2020/01/28/vii-financiarisation-laboratoire-biologie-medicale/

Actualités financières des groupes de laboratoires de biologie médicale
https://viedebio.com/2022/06/27/sars-cov-2-le-cygne-noir-ou-la-puissance-de-limprevisible/

Je ne cite que les principaux articles du blog sur le sujet, vous trouverez aisément les autres à l’aide des mots clés comme financiarisation, services publics, santé etc.

Il y a fort à parier que, pas plus que dans les hôpitaux publics, se contenter de désigner un professionnel responsable de la qualité et de la sécurité ne dans les structures la main bien visible des investisseurs ne suffira pas à prévenir les dérives annoncées si bien décrites dans ces articles.

 

* On appellera « système financier » ou, plus brièvement, « finance », l’ensemble des institutions et organisations opérant ou permettant, directement ou indirectement, les transactions (de nature éminemment diverse) portant sur des actifs monétaires ou financiers – par opposition à l’économie réelle qui concerne les transactions portant sur des biens ou des services. Et on appellera « financiarisation » le développement relatif de cet ensemble, par rapport au point de référence de l’économie réelle. Cette définition généralise la définition première des post-keynésiens et néo-marxistes (« schéma d’accumulation, dans lequel le profit procède de façon croissante des canaux financiers plutôt que du commerce et de la production de marchandises », Krippner, 2005), sans être aussi générale que « l’importance croissante des marchés financiers, critères financiers, institutions financières, et élites financières dans le mode opératoire de l’économie et de ses institutions directrices, aux niveaux à la fois nationaux et internationaux » Source OLivier Favereau (Rapport au bureau International du Travail)

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