La bureaucratie professionnelle
Selon Mintzberg, il est essentiel de comprendre que dans les organisations professionnelles comme l’hôpital ou l’université, les unités sont toujours différenciées à la fois par « fonction » (regroupement des spécialistes en fonction de leurs compétences, aptitudes et méthodes de travail) et par « marché » (groupes « homogènes » de patients bénéficiant des mêmes programmes de soins). En langage plus systémique on peut dire aussi par input (intrants) et output (extrants ou résultats de sortie de système). Cette équivalence entre structure par fonction et structure par marché devrait permettre d’éviter un certain nombre d’erreurs dans la planification stratégique. Mintzberg pose d’emblée la question du paradoxe de la clinique, qui est de gérer la singularité à grande échelle. Il y répond ainsi comme suit.
« Le processus de classement crée une équivalence entre structure par marchés et structure par fonctions. Comme les clients sont rangés en catégories et qu’à chaque catégorie sont associés les spécialistes d’une même fonction, le regroupement des spécialistes dans la structure de la bureaucratie professionnelle se fait à la fois sur la base des marchés et sur la base des fonctions. »
» ..les procédés de travail sont beaucoup trop complexes pour être standardisés par les analystes. ..il est utile de se les représenter comme un répertoire de programmes standards – en fait ceux que les professionnels sont prêts à utiliser – qui sont appliqués à des situations répertoriées, prédéterminées qu’on peut appeler des « cas ». On parle parfois à ce propos du processus de classement. le travail du professionnel comporte deux phases
1 déterminer dans quel cas standard se trouve le client (/ malade / patient / usager..)
2 appliquer le programme standard correspondant à ce cas..
C’est le processus de classement qui permet de découpler ses diverses tâches opérationnelles et de les affecter à des professionnels relativement autonomes.. »
Structuration des unités dans les organisations professionnelles
» ..donnons deux exemples de ce phénomène, le service de gynécologie d’un hôpital et le département de chimie d’une université. Ils peuvent être qualifiés de fonctionnels parce que les spécialistes y sont regroupés en fonction de leurs compétences, de leurs aptitudes et des méthodes de travail qu’ils utilisent. Mais on peut dire aussi qu’il s’agit d’unités constituées sur la base de marchés puisque chacune d’elle traire un type particulier de clients, les femmes dans le premier cas, des étudiants en chimie dans le second. »
« ..traiter chaque cas comme un cas unique imposant une analyse complète exigerait d’énormes ressources…le processus de classement ne nie pas qu’il existe de l’incertitude dans le traitement du client: c’est même pour faire face à cette incertitude que le professionnel a besoin d’une latitude considérable dans son travail. »
Managing the care of health and the cure of disease
1 Glouberman, MIntzberg. Managing the care of health and the cure of disease–Part I: Differentiation
Health Care Manage Rev. 2001 Winter;26(1):56-69; discussion 87-9.
2 Glouberman, MIntzberg. Managing the care of health and the cure of disease–Part II: Integration.
Health Care Manage Rev. 2001 Winter;26(1):70-84; discussion 87-9.
3 Voir aussi:
Through Mintzberg’s glasses: a fresh look at the organization of ministries of health Jean-Pierre Unger, Jean Macq, François Bredo, & Marleen Boelaert
« Toward healthier hospitals » Health care Manage Rev, 1997,22(4), 9-18 (pas accessible en texte intégral)
Managing care and cure — up and down, in and out. (pas accessible en texte intégral)
4 clos du levant, chemin de la guardiole, 66380 Pia Michel MANNARINI – Maître de conférences – UPVD-IUT Perpignan – MRM Montpellier 2 – Groupe Comptabilités et Société. mannarini@univ-perp.fr 20 rue des avens, 66600 Rivesaltes
Du management dans l’univers hospitalier
» Vous décrivez souvent le métier d’infirmière comme un modèle de management. Pourriez-vous expliquer pourquoi? » lui demande-t-on. » Le travail des médecins est un travail d’intervention, répondait Mintzberg, c’est-à-dire qu’ils font leur travail, et qu’ils laissent le reste à la structure hospitalière. Ce sont les infirmières qui soignent les patients. Il y a beaucoup trop de management comme intervention (cure) et pas assez de management comme soin (care). Vous avez de plus en plus de managers qui réalisent de grands changements en quelques mois et qui partent. Un vrai changement dans une organisation prend au moins cinq ans. «
» On dit souvent que dans les hôpitaux, le principal frein au changement tient à la coupure entre les professionnels soignants et le personnel administratif « , lui fait-on remarquer. » La difficulté dans cette activité est que vous ne pouvez pas changer le travail de soin, car il est déterminé par la technologie et la spécialisation des tâches. Le manager ne peut pas changer cela; la seule chose qu’il peut faire, c’est couper les crédits. La politique de restructuration hospitalière entraîne réorganisation sur réorganisation. Les managers font la chaise musicale et rien ne change.
» Il est très difficile de changer une organisation du travail si vous ne connaissez pas de façon intime le métier. Les administratifs de la santé ne peuvent comprendre qu’avec énormément de difficultés ce qui se passe chez les cliniciens. Cela ne veut pas dire qu’il faut laisser faire les cliniciens. Cela veut dire qu’il faut les amener à prendre eux-mêmes en charge le problème. «
Pour aller plus loin: textes de Mintzberg
Intégralité de l’intervention: Le culte du management selon Henry Mintzberg Henry MINTZBERG (source: http://www.radio-canada.ca/par4/vb/vb980414.html)
(PHOTO Sciences humaines) » Le management souffre de trop de management! » D’après :
MINTZBERG, Henry
(Propos recueillis par CABIN, Philippe)
» Nous vivons dans le culte du management « ,
Sciences humaines,
Hors Série N° 20, mars-avril 1998.
Henry Mintzberg
Professeur de management à l’Université McGill de Montréal et à l’Insead (Fontainebleau), Henry Mintzberg est un auteur d’une influence considérable qui a publié plusieurs ouvrages en français considérés comme des classiques dans le domaine de l’entreprise du management. On l’apprécie, entre autres, pour ses deux ouvrages parus aux Éditions d’Organisation (France) : Structure et dynamique des organisations (1982) et Le Management. Voyage au cœur des organisations (1990).
J’ai eu le plaisir de le rencontrer à plusieurs reprises, à l’occasion de colloques auxquels nous participions tous les deux, et c’est avec le plus grand intérêt que j’ai assisté à quelques-unes de ses conférences : son discours est brillant et il peut contribuer à inspirer sur le plan professionnel mais aussi à un niveau plus personnel.
les organisations
» Pour vous, qu’est-ce qu’une organisation? « , lui demandait-on dans le cadre d’une entrevue parue dans l’édition Hors Série N° 20 de Sciences humaines. » C’est un ensemble de personnes entreprenant une action collective à la poursuite de la réalisation d’une action commune « , expliquait Mintzberg, » un explorateur des organisations « , comme le suggère le titre d’un encadré.
» Sur quels fondements se structure une organisation? » lui demandait-on encore : » Les éléments de base sont pour moi la division du travail et les moyens de trouver la forme de coordination entre les différentes tâches « , disait-il.
» Henry Mintzberg distingue sept grands types d’organisation, explique-t-on en introduction de l’article. Selon lui, beaucoup d’entre elles, en cherchant l’efficacité à tout prix et à court terme, risquent de perdre l’essentiel : l’engagement des individus. » Cet engagement est, selon lui, plus important que tout le reste dans une organisation, qu’elle soit étatique, publique ou privée.
l’importance de l’intuition dans la prise de décision
Mintzberg a aussi développé une théorie sur l’élaboration de la stratégie qui s’appuie sur les travaux de neurologues et de psychologues, en particulier ceux de Robert Ornstein, auteur d’un ouvrage qui s’intitule : La psychologie de la conscience. » Selon Mintzberg les managers qui réussissent sont ceux qui privilégient l’intuition (hémisphère droit du cerveau) par rapport à l’analyse « , écrit-on en encadré ( » Un explorateur des organisations « ).
Mintzberg renchérit, lorsqu’on lui demande s’il est vrai que » les dirigeants travaillent de la même manière qu’il y a un siècle » : » Ce qui compte avant tout, c’est l’intuition et la communication verbale, dit-il. C’est pourquoi les managers, quand ils ont une décision importante ou compliquée à prendre, continue de prendre l’avion, plutôt que d’utiliser le Email. Si la prise de décision est surtout intuitive, si l’information qui compte arrive verbalement et de façon interpersonnelle, alors le management aujourd’hui n’est pas très différent de ce qu’il était il y a un siècle. » Finalement, les gens qui réussissent le mieux sont les gens qui fonctionnent plutôt de façon intuitive.
L’affirmation suivante est peut-être ce qui l’a rendu célèbre : » Le management souffre de trop de management! » Trop d’organisation, trop de management nuit au produit, à la qualité, au rapport entre les individus. C’est ici d’ailleurs qu’il fait un rapprochement entre l’efficacité à tout prix, à court terme, et une gestion avec un peu moins de management mais qui mette davantage l’accent sur l’engagement des individus.
l’adhocratie
Mintzberg parle également volontiers de l’adhocratie, terme bien savant pour définir la forme d’organisation qui, selon lui, est la plus porteuse d’avenir :
» Les technologies sont de plus en plus compliquées, le poids des savoirs est de plus en plus important. Il faut davantage créer en équipe, rassembler des informations de natures et d’origines différentes. Dans un tel contexte, ce n’est pas l’autorité qui compte mais la connaissance. La technologie, la connaissance, la créativité, le travail en équipe : tout cela pousse les organisations vers l’adhocratie. «
Il distingue deux formes d’adhocratie : l’adhocratie interne (organisation par projet) et l’adhocratie externe (organisation en réseau). » Or, on voit de plus en plus d’organisations en réseau, parce que les responsables savent maintenant qu’une organisation ne peut pas tout faire, et qu’elle doit acheter en externe un certain nombre de services « , remarque-t-il.
du management dans l’univers hospitalier
» Vous décrivez souvent le métier d’infirmière comme un modèle de management. Pourriez-vous expliquer pourquoi? » lui demande-t-on. » Le travail des médecins est un travail d’intervention, répondait Mintzberg, c’est-à-dire qu’ils font leur travail, et qu’ils laissent le reste à la structure hospitalière. Ce sont les infirmières qui soignent les patients. Il y a beaucoup trop de management comme intervention (cure) et pas assez de management comme soin (care). Vous avez de plus en plus de managers qui réalisent de grands changements en quelques mois et qui partent. Un vrai changement dans une organisation prend au moins cinq ans. «
» On dit souvent que dans les hôpitaux, le principal frein au changement tient à la coupure entre les professionnels soignants et le personnel administratif « , lui fait-on remarquer. » La difficulté dans cette activité est que vous ne pouvez pas changer le travail de soin, car il est déterminé par la technologie et la spécialisation des tâches. Le manager ne peut pas changer cela; la seule chose qu’il peut faire, c’est couper les crédits. La politique de restructuration hospitalière entraîne réorganisation sur réorganisation. Les managers font la chaise musicale et rien ne change.
» Il est très difficile de changer une organisation du travail si vous ne connaissez pas de façon intime le métier. Les administratifs de la santé ne peuvent comprendre qu’avec énormément de difficultés ce qui se passe chez les cliniciens. Cela ne veut pas dire qu’il faut laisser faire les cliniciens. Cela veut dire qu’il faut les amener à prendre eux-mêmes en charge le problème. «
Dans ses interventions, Henry Mintzberg parle volontiers du métier de dirigeant : c’est d’ailleurs l’un des trois thèmes qu’il aborde le plus souvent. » Mintzberg, explique-t-on, observe ce que fait un manager au quotidien – il scrute les agendas pour savoir combien de temps les gens qui dirigent consacrent vraiment à ce genre d’activité. Ses travaux désenchantent le discours légendaire du patron réfléchi, informé et visionnaire. Au contrait, ils montrent un dirigeant dispersé (la moitié de ses activités l’occupent moins de cinq minutes). – Régler un petit problème ici, un petit problème là… et on continue.
Mintzberg identifie 10 rôles principaux chez les dirigeants, qu’il regroupe en trois grandes catégories :
l’information
le contact avec les personnes
l’action.
de la mort possible d’une organisation
» Une organisation peut-elle mourir? » À cette question, Mintzberg répond : » Oui, et c’est une chose que les responsables ont du mal à concevoir. Il faut pourtant savoir admettre qu’une organisation puisse mourir, il faut même parfois le célébrer! La mort de l’organisation peut procéder de la disparition de son marché ou de sa mission. Mais elle peut être liée à une maladie interne : dysfonctionnement, perte de contact avec les clients ou avec les salariés… «
Il soutient que les grandes organisations, une fois créées, n’ont pas besoin de grands dirigeants. Il estime qu’un trop grand culte du management prévaut : » Avec le culte du management, beaucoup pensent qu’il suffit d’avoir un bon PDG pour que tout soit réglé, et que dans la difficulté, un bon leader bien payé suffira à sauver l’entreprise. «
une bonne organisation
Comment donc reconnaître les bonnes organisations?
» Ce sont celles qui ont des équipes très fortes, des individus très engagés. Le leader doit être capable de comprendre et d’utiliser la force des équipes et des individus. «
En d’autres mots, il faut accorder beaucoup d’importance à l’humain.
» Les problèmes sont peut-être différents de ceux d’il y a un siècle mais la manière de prendre les décisions n’a pas changé. Ce ne sont pas encore les ordinateurs qui décident. «
Henry Mintzberg est un auteur indispensable pour mieux comprendre l’organisation des établissements de soins et les concepts de coordination / contrôle / gouvernance dans les organisations et les système de soins. Il est utile de lire ses ouvrages fondamentaux en particulier « Structure et dynamique des organisations », dont le chapitre « La bureaucratie professionnelle » +++ est disponible en ligne. Pour les plus pressés des fiches de lectures détaillées sont disponibles sur le site du CNAM.
Ouvrages principaux de Mintzberg
La bureaucratie professionnelle
http://pagesperso-orange.fr/ampr-idf/documents/Mintzberg_bur_prof.pdf
Ce chapitre est extrait de
Structures et dynamique des organisations
http://masteracademy.ifrance.com/cadre/ficheslectures/structureetdynamiquedesorgansationsMintzberg.doc
http://lipsor.cnam.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=1295877018134
Voyage au centre des organisations
http://lipsor.cnam.fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_FICHIER=1295877018138
Le pouvoir dans les organisation
http://lipsor.cnam.fr/jsp/saisie/liste_fichiergw.jsp?OBJET=DOCUMENT&CODE=1263483428453&LANGUE=0
Des managers, des vrais, pas des « MBA »
http://www.editions-eyrolles.com/Livre/9782708130845/des-managers-des-vrais-pas-des-mba
Extraits http://www.scribd.com/doc/49700751/Des-Managers-Des-Vrais-Pas-Des-MBA
Fiche de lecture CNAM: http://lipsor.cnam.fr/jsp/saisie/liste_fichiergw.jsp?OBJET=DOCUMENT&CODE=1263483388967&LANGUE=0
The fall and rise of strategic planning. Henry Mintzberg
http://www.ryerson.ca/~rmichon/mkt731/reading/Mintzberg.pdf
La politique dans les organisations
« Toute organisation est un malade qui s’ignore. » Knock manager
« Le second résultat possible est que le conflit tue l’organisation. Lorsque cela se produit, c’est le plus souvent lorsque la forme de l’arène politique complète s’est installée. D’une part cette forme peut survenir de son propre chef (par exemple à travers une confrontation majeure qui perdure et qui envahit toute l’organisation) et qui en conséquence peut tuer l’organisation. D’autre part l’arène politique complète peut apparaître dans les affres de la mort d’une organisation déjà vouée à la destruction pour d’autres raisons (disons, parce que sa technologie est passée de mode sans espoir de retour ou que ses marchés ont disparu). Ici un conflit intense et envahissant de l’arène politique complète représente une sorte de mêlée dans laquelle les individus essaient de faire main basse sur ce qui reste de ressources, ce qui produit la destruction rapide de l’organisation. »
- Le jeu de l’insoumission
- Le jeu pour contrer l’insoumission
- Le jeu du parrainage
- Le jeu de la construction d’alliances
- Le jeu de la construction d’empires
- Le jeu de la budgétisation
- Le jeu de l’expertise
- Le jeu de l’autoritarisme
- Le jeu de la bataille entre la ligne hiérarchique et le personnel de support logistique
- Le jeu des deux camps rivaux
- Le jeu des candidats à des postes stratégiques
- Le jeu de la dénonciation
- Le jeu des jeunes turcs
Toute ressemblance avec votre organisation est fortuite et indépendante de notre volonté.