Les besoins: une fiction institutionnelle?

La question des besoins de soins est essentielle, mais elle ne peut être traitée ni par des experts ni par la somme des lobbyings.
 

Voici 5 articles pour rappeler que les besoins de soins sont encore une fiction institutionnelle et que la définition des catégories de besoins dans un système d’information robuste relève de choix politiques qui restent à faire. Il est aujourd’hui impossible de fonder en raison le pilotage sur des données de santé tangibles et sur les sciences de gestion publique, a fortiori en contexte d’austérité. Je ne reviens ici pas sur les conséquences de cette fiction sur l’ONDAM et le point flottant de la T2A, qui seul ne coule pas.

  1. Une fiction d’institution : les ”besoins de santé” de la population. Marc-Olivier Déplaude.
  2. Peut-on quantifier les besoins de santé? Chantal Cases et Dominique Baubeau.
  3. HCSP: les systèmes d’information pour la santé publique.
  4. The rise and fall of global health issues: an arenas model applied to the COVID-19 pandemic shock. Jeremy Shiffman
  5. A social explanation for the rise and fall of global health issues. Jeremy Shiffman
 Chacun voit midi à sa porte, chacun, dans un pathos maîtrisé et associé à quelques chiffres, dit que son activité s’effondre et que la population qu’ils sert est menacée (certains malades, personnes à risque de perte d’autonomie, personnes improductives, personnes requérant des soins et un accompagnement hors panier de soins ou à reste à charge exorbitant)  ce qui est le plus souvent vrai. Les causes de santé publique doivent trop souvent être une menace bien intégrée à l’agenda pour attirer les fonds.
 
Pour les urgences, le canari de la mine de notre système de santé,  même s’il faut des mesures urgentes pour passer l’été, installer une nouvelle climatisation parce qu’il y fait chaud du fait que l’ensemble de la maison brûle conduirait une nouvelle fois à l’échec. Les patients programmés n’ont pas à être les éternelles victimes des épisode non programmés. Il faut sortir de la vision en flux poussés des parcours, la même depuis depuis trente ans ou plus, où l’amont ambulatoire est désintégré à rebours du virage annoncé n’aurait qu’à participer davantage, et où les SSR, fragilisés, sous financés et souvent dernière station avec le désert et les délais sociaux ubuesques n’ont qu’à faire leur boulot de « second aval » des urgences.
Le bed management n’a aucun sens et est même délétère s’il n’intègre pas la vision des attentes du patient sur l’ensemble de l’épisode.
Ce modèle industriel simpliste, ignorant la notion de flux tirés vers les besoins (mais lesquels) des patients nous a conduit à un cercle vieux issu d’une souricière cognitive et institutionnelle.
 

Dans cette gestion de chaine logistique en filière inversée (Galbraith), centrée sur les besoins d’un amont qu’on a défini jusque dans sa T2A comme purement curatif (machine à guérir), nous voilà, nous et les usagers, d’une part coincés dans une planification et un financement en silos concurrentiels et d’autres part victimes du cercle vicieux général induit par la séparation du sanitaire protectionnel (solidarité fondée sur la pertinence des soins) et du social émancipatoire (« accès à tout pour tous » fondé sur l’autodétermination).

On ne verra le bout du tunnel que si on constitue le tour de table avec les parties prenantes, sans avoir déjà écrit les solutions à l’avance.

C’est vraiment une vaste blague de prétendre fonder les soins sur la valeur quand on n’a qu’un système de données de santé aussi indigent et parcellaire pour l’analyser.
 
Dans certains champs comme les SSR c’est encore un trou noir vertigineux. Les comparaisons internationales sont édifiantes.
 
André Grimaldi dit souvent que les cinq missions des professionnels de santé sont: soins, enseignement, recherche, gestion et santé publique. Il faut le répéter à nos jeunes collègues médecins et autres professionnels du soin.
 
Cela implique que ne pas s’occuper des données qui nous regardent, ne pas dire que ces données sont indigentes quand elles le sont, ne pas demander d’y avoir un accès maximisé, de participer à la définition des catégories et à leur interprétation, c’est s’engouffrer résolument dans la servitude volontaire.

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